Goodbye, Lenin !, voyage cinématographique en RDA

Goodbye, Lenin !voyage au temps de la RDA

Par Flavie Thouvenin

Berlin-Est, le 7 octobre 1989. Alors qu’elle s’apprête à aller fêter le 40e anniversaire de la RDA, célébré en grande pompe au palais de la République, Christiane Kerner s’effondre, victime d’une crise cardiaque. Lorsqu’elle se réveille d’un long coma, 8 mois plus tard, le monde a basculé. Le mur est tombé, le bloc de l’Est a sombré et la République démocratique allemande n’est plus. Berlin-Est se transforme, retrouve sa liberté et succombe au capitalisme effréné de l’ouest. Dans ses rues, les voitures occidentales font jouer leurs klaxons, sur les murs les publicités aux couleurs des plus grandes marques s’affichent en grand format, remplaçant les portraits et statues de Marx et Lénine, dans les supermarchés les produits venus de l’Ouest abondent dans les rayons, et partout un vent de liberté se fait sentir, après plusieurs décennies d’un régime sans concessions. Mais pour éviter tout nouveau choc – qui cette fois pourrait bien lui être fatal – à leur mère qui s’était dévouée cœur et âme à son pays, son fils Alexander, aidé par sa sœur Ariane et leur entourage, décide de lui cacher la vérité…

Les vestiges du passé

Sorti dans les salles obscures en 2003, réalisé par Wolfgang Becker à partir d’un scénario de Bernd Lichtenberg, Goodbye, Lenin ! illustre le bouleversement du passage d’une société au socialisme autoritaire à celle d’une démocratie au capitalisme effréné. À quoi ressemblait le quotidien des citoyens est-allemands ? Quelle vie après la chute du Mur ? Dès les premières minutes du film, le spectateur remonte le temps depuis les grandes avenus de Berlin-Est, le long des imposants immeubles de ce style typiquement soviétique de la Karl-Marx-Allee, avec les fameux Kino International et Café Moskau, jusqu’à l’Alexanderplatz, centre névralgique de la capitale et vitrine de l’architecture à la mode socialiste de la fin des années 60-début des années 70, dominée par son emblématique tour de la Télévision (Fernsehturm) qui culmine à 368 m de haut.

Souvent décrite comme grise et austère, Berlin-Est est à l’image du rigorisme de l’État : la République démocratique allemande n’a en effet de démocratique que le nom… Ses citoyens ont interdiction de circuler hors ses frontières sans autorisation spéciale, le Parti règne en maître et la population est sous constante surveillance, abreuvée par la propagande martelée par les médias. Certains citoyens se risquent quand même à « passer à l’ouest » comme on dit, comme Robert, le mari de Christiane, disparu en août 1978, et dont l’ombre plane tout au long du film…

Une propagande bien huilée

Le pays a ses héros, témoins de la grandeur est-allemande : l’enfance d’Alexandre est ainsi bercée par les exploits du cosmonaute Sigmung Jähn, premier allemand dans l’espace, qu’il adule. Les sportifs font également office de vitrine du modèle social soviétique, et les équipes d’Allemagne de l’Est dominent les plus grandes compétitions sportives du globe, de l’athlétisme à la natation (on se souvient des exploits des imposantes nageuses est-allemandes, dopées par quelques substances illicites…), en passant par le cyclisme et l’haltérophilie, entre autres.

Les sportifs de haut niveau sont de véritables « diplomates en survêtement », comme le veut l’expression ! Mais l’organe de propagande préféré du Parti, ce sont d’abord les médias, en particulier la télévision. Les chaînes d’État ont leurs émissions cultes, notamment le magazine d’information Aktuelle Kamera, rendez-vous immanquable des soirées est-allemandes : à son réveil, c’est le premier programme que Christiane demande à regarder ! L’émission faisant alors office de fil d’Ariane tout au long du film, son fils trafiquant d’anciens numéros pour les rediffuser, ni-vu ni-connu, à sa mère, dans le confort de sa chambre, récréée de toute pièce à la mode de la RDA !

Le goût d’autrefois

Papier peint dans la tendance de l’époque, vaisselle et objets typiques de l’Est ont retrouvé leur place sur les étagères, les traces de la nouvelle vie à l’occidentale ayant été gommée entre les murs de l’appartement familial. Pour Christiane, la RDA est intacte, elle en retrouve le goût jusque dans l’assiette : Alexandre, le fils, court les épiceries pour mettre la main sur les derniers produits est-allemands typiques – les cornichons de Spreewald, le Mocca Fix, café instantané incontournable du petit déjeuner… Et lorsque la petite famille décide d’aller passer quelques jours au grand air dans la datcha familiale, c’est en Traban, bien sûr, que se fait le trajet !

Derrière le mensonge, deux mondes s’affrontent : Ariane, la sœur, et son compagnon, vivent à la mode occidentale, quand Alex nage en pleine nostalgie… Ment-il pour préserver sa mère, ou se ment-il à lui-même ? Bien plus qu’une plongée dans le quotidien des est-allemands, Goodbye, Lenin ! explore la confrontation de deux visions du monde et les paradoxes de la chute de la dictature, entre effervescence d’une nouvelle vie pleine de promesses, placée sous le signe de la liberté, et ostalgie*. Il faut dire que la chute du Mur et le virage capitaliste qui s’en est suivi à l’Est n’a pas été l’eldorado rêvé… Une comédie dramatique à ne pas manquer, par ailleurs multi-distinguée sur la scène cinématographique européenne (Deustcher Filmpreis, Blaue Engel du Festival international du film de Berlin, Prix du cinéma européen, César et Goya du meilleur film européen).

*Néologisme formé à partir des mots ost (est, en allemand) et nostalgie, l’ostalgie désigne la nostalgie de la RDA ressentie par les anciens Allemands de l’Est.

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Dernières traces de Berlin-Est

Quelques lieux incontournables à visiter dans les rues de la capitale allemande réunifiée pour prendre le pouls de l’histoire et nager en pleine ostalgie

Le long du Mur

Si la majeure partie du mur de Berlin a été détruite, il demeure encore aujourd’hui quelques vestiges du mur de séparation érigé durant l’été 1961. L’East Side Gallery, portion d’1,3 km, est la plus longue et la mieux conservée, investie par les artistes de street art dès 1989. Certaines œuvres évoquent le passé des lieux, comme le fameux Baiser de l’amitié entre Léonid Brejnev et Erich Honecker, peint par l’artiste Dimitri Vrubel.

Le musée de la RDA

Au cœur de Berlin, à deux pas de l’île aux Musées, un musée fait office de machine à remonter le temps ! Appartement de cinq pièces recrée dans le plus pur style est-allemand, simulateur de conduite dans une Traban d’origine, objets d’époque, affiches de propagande, extraits d’émissions de radio et de télévision… le DDR Museum propose de manière ludique et interactive une plongée au cœur de la vie quotidienne des habitants d’Allemagne de l’Est.

Le musée de la Stasi

Plus sombre, le musée de la Stasi, situé dans l’ancien bâtiment du ministère de la Sûreté de la RDA, propose de comprendre le système de surveillance et de répression de l’ancien État. Sur trois étages, l’exposition permanente retrace les méandres de l’organisation de la police politique de l’État, du renseignement au système d’espionnage et de contre-espionnage. Une visite indispensable pour mieux appréhender cette période troublée de l’histoire allemande. 

Checkpoint Charlie

L’un des points de contrôle établis lors de la partition de Berlin suite à la Seconde Guerre mondiale. Checkpoint Charlie servait au passage des diplomates, des étrangers et des prisonniers entre l’Est et l’Ouest. Une partie du checkpoint a été conservé comme lieu de mémoire à la chute du Mur et est devenu un point de passage obligé de tout bon touriste dans la capitale allemande !

En savoir plus

  • Sur le film

La bande annonce : https://www.allocine.fr/film/fichefilm_gen_cfilm=52715.html

  • Sur la RDA

« Les fantômes de la RDA », documentaire FranceTV donnant la parole à d’anciens citoyens est-allemands : https://www.dailymotion.com/video/x7nt4j0

Site archivant la plus grande collection de films familiaux témoignant la vie en RDA : https://open-memory-box.de/

À découvrir avec l’escapade Arts et Vie : Berlin en famille

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